« La démocratie participative permet de transformer la relation entre les pouvoirs publics et les citoyens »

À l’heure des budgets participatifs et de la Convention citoyenne pour le climat, la démocratie participative a le vent en poupe. Le point sur cette notion et sur sa mise en œuvre avec Camille Morio, Maîtresse de conférences en droit public et autrice du « Guide pratique de la démocratie participative locale ».

Propos recueillis par Agnès Raynal

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Pourquoi constate-t-on aujourd’hui un engouement du secteur public pour la démocratie participative ?

Je définis la démocratie participative comme étant l’ensemble des dispositifs démocratiques qui ne relèvent pas de la démocratie représentative. Cela signifie que la démocratie participative englobe également la « démocratie directe » qui permet aux citoyens de prendre eux-mêmes des décisions qui relèvent habituellement par des élus. Dans notre société, la montée en puissance de la participation des citoyens aux décisions s’explique par plusieurs facteurs : un niveau d’instruction général de la population qui s’est élevé, une importante circulation de l’information, mais aussi la perte de confiance des citoyens dans leurs élus. Tout cela crée des conditions favorables à la mise en place de dispositifs de démocratie participative, qui peuvent être vus à la fois comme un complément à la démocratie représentative et parfois, comme un « contre-pouvoir » reconnu à la société civile.

Comment les collectivités pratiquent-elles la démocratie participative ?

À défaut de statistiques officielles, il est difficile d’avoir un aperçu global. Pour faire en sorte que la démocratie participative ne soit pas qu’un argument politique et de communication, elle doit reposer avant tout sur la sincérité et la transparence. Lorsqu’une entité locale souhaite associer les citoyens aux décisions, elle doit exposer clairement les points ouverts à la discussion et ceux qui ne le sont pas, avoir réfléchi à la manière de traiter la contradiction et prévoir de rendre des comptes aux participants. Il existe une variété d’outils en la matière. Des outils ponctuels comme les consultations ou les votations, des instances de démocratie participative comme les assemblées ou les commissions et des systèmes qui se situent à mi-chemin, comme les budgets participatifs, qui connaissent un succès exponentiel. Ces outils sont très diversement encadrés sur le plan juridique. Certains comme les référendums ou les consultations sont presque « trop » cadrés et difficiles à mettre en œuvre. D’autres sont nettement moins limités juridiquement et permettent une certaine liberté d’innovation. Les collectivités sont capables d’innover en mettant en place du théâtre forum, des assemblées citoyennes, des plateformes de consultation en ligne… À retenir cependant que l’article L. 131-1 du Code des relations entre le public et l’administration pose désormais des règles générales dans l’association du public aux décisions prises par l’administration.

La démocratie participative peut-elle fonctionner au niveau national ?

Oui, bien que la question se pose en des termes différents. Sur de grands sujets de société comme l’environnement, les outils comme celui mis en place avec la « Convention citoyenne pour le climat », qui fait participer des citoyens tirés au sort à la définition de propositions qui seront ensuite soumises à un processus décisionnel, semblent assez bien adaptés. Ce type de convention citoyenne est régie par les principes généraux de l’action administrative et ne fait pas l’objet d’une règlementation spécifique. La réforme constitutionnelle de 2008 a créé le référendum d’initiative parlementaire soutenue par des électeurs et actuellement, la réforme du Conseil économique, social et environnemental en discussion au Parlement envisage de permettre à cette instance d’organiser des conventions citoyennes (voir « Débat houleux sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental », nov. 2020).

On sent qu’il y a un véritable mouvement, le processus décisionnel évolue. Mais la démocratie participative se heurte parfois à une résistance des pouvoirs publics qui estiment que consulter les citoyens est une perte de temps. Or, il s’agit de reconnaître la compétence politique des citoyens, de prendre en compte la diversité des intérêts. Transformer notre relation avec le public correspond à un vrai enjeu politique et juridique !