« La question de la sincérité du scrutin au premier tour est posée »

En pleine période électorale, l’épidémie de Coronavirus a bousculé l’organisation de l’agenda politique. Le 17 mars, un décret pris en Conseil des ministres, annule la convocation des électeurs pour le second tour et prolonge le mandat des élus déjà en place jusqu’en juin. Quant aux maires et aux conseillers élus dès le 1er tour, ils voient leur installation également reportée de plusieurs semaines. Agnès Le Brun, maire de Morlaix, fait partie des élus des 4 816 communes, pour lesquelles l’organisation d’un second tour est nécessaire. Elle témoigne sur la poursuite de l’action municipale dans cet « entre-deux » électoral et sur la gestion de la crise sanitaire au quotidien.

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Comment se sont déroulés les jours entourant l’annonce du report du second tour des élections municipales ?

Dans les jours précédant le 1er tour, nous avons été beaucoup sollicités par les habitants qui manifestaient leur crainte d’aller voter. Pour ma part, le message aux administrés était déjà très clair : ne venez pas, restez chez vous ! J’avais fait le choix de suspendre ma campagne le 27 février et de me concentrer sur la mise en place du plan communal de sauvegarde. Depuis le soir du 1er tour, il n’y a plus aucune réunion physique entre les élus. J’ai mes adjoints au téléphone quotidiennement, nous communiquons à distance. Nous continuons à travailler chaque jour au fonctionnement des services essentiels à la vie de nos habitants et à protéger les plus fragiles.

Comment s’organise l’action municipale au quotidien ?

Au sein de la mairie, 80 agents travaillent encore, soit à leurs postes de travail lorsque c’est indispensable (par exemple : les agents présents dans les écoles pour accueillir les enfants du personnel soignant), soit en télétravail. Je me rends à la mairie tous les jours, de même que le directeur général des services. L’équipe municipale communique avec les agents mobilisés pour les soutenir dans leur travail. Les villes sont en première ligne pour faire en sorte que la sécurité et la salubrité puissent être respectées. Un certain nombre de services publics ne peuvent pas s’arrêter : l’état civil avec les opérations funéraires en fait partie, mais il y a aussi à gérer le report des chantiers, les conséquences en matière de marchés publics, d’urbanisme, et surtout les Ehpad municipaux qui sont un point de vigilance absolue. Nous recevons entre 500 et 600 appels par semaine à la mairie : tous sont traités. Les 33 élus du conseil municipal continuent eux aussi à travailler. Nous avons constitué une équipe de 6 adjoints et 3 élus dont le rôle est d’assurer une veille sociale : ils sont chargés de contacter chaque semaine, les 3 500 personnes âgées de plus de 65 ans et les personnes inscrites sur le registre des personnes fragiles isolées. Un autre groupe d’élus spécialisés sur les questions sociales agit en renfort du CCAS pour assurer des livraisons de courses, de colis alimentaires et de médicaments. C’est un travail de Titan !

Quelles sont les conséquences électorales du report du second tour de l’élection ?

Depuis le 17 mars, la campagne électorale est interrompue, ce qui nous place dans un « no man’s land » électoral. La question de la sincérité du scrutin au 1er tour se pose également puisque l’abstention a été importante en raison de la crise sanitaire ce qui ouvre la voie à des recours. Une fois la crise passée, de nombreuses questions pratiques, financières et juridiques se poseront. Je peux citer l’exemple des comptes de campagnes : comment appliquer les règles habituelles alors que plusieurs candidats ont contracté des prêts dont les échéances arriveront bien plus tôt au regard de l’organisation du second tour ? Il en va de même pour la durée et le coût des locations de permanences électorales. Aujourd’hui, la priorité est à la gestion de la crise sanitaire. Le moment venu, il conviendra d’examiner toutes les hypothèses électorales, y compris celle de l’annulation du scrutin pour les communes n’ayant pas élu leur maire dès le 1er tour.