Cumul de responsabilité du maire : quel juge compétent pour la fixation des indemnités ?

Par Fabien Bottini

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La jurisprudence sur le cumul de responsabilité interdit-elle au juge judiciaire de condamner un maire sur ses derniers propres à une indemnité supérieure à celle à laquelle la commune a été condamnée par le juge administratif ? Non, juge la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 mars 2021 (no 17-82.096).

À l’origine de cette affaire se trouvent les faits de harcèlement moral dont ont été victimes deux agents municipaux de la part de leur autorité exécutive. Après avoir présenté un parcours sans faute avec des notations de qualité, exercé des responsabilités importantes et reconnues, les intéressés ont été « mis au placard » par leur maire sans aucune perspective d'évolution de carrière. Ce qui les a conduits à agir à la fois devant le juge administratif pour engager la responsabilité de la commune et devant la juridiction répressive pour obtenir la condamnation de l’édile.

Pendant que le juge administratif retenait les manquements volontaires et inexcusables du maire à des obligations d'ordre professionnel et déontologique justifiant de condamner la commune à indemnité, la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion confirmait la qualification pénale des faits reprochés à l’édile. Tandis que le premier condamnait la municipalité à verser 10 000 euros à chacun des agents, la Cour condamnait finalement le maire à payer respectivement 49 000 et 49 496,6 euros aux plaignants sur ses deniers propres.

Pour l’intéressé, sa condamnation violait l’autorité de la chose jugée ainsi que le principe de la réparation intégrale d’un préjudice dont il ressort qu’un dommage doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.

La Cour de cassation valide toutefois sa condamnation civile. Selon la haute juridiction, les faits reprochés au maire sont révélateurs d'une faute personnelle détachable du service, mais non dénuée de tout lien avec celui-ci. C’est pourquoi les plaignants pouvaient rechercher la responsabilité administrative de la commune comme la responsabilité pénale du maire. La faute de ce dernier seule étant à l’origine du dommage, la condamnation de la commune par le juge administratif a toutefois simplement eu pour effet de subroger la collectivité dans les droits des victimes. L’argent par elle avancé n’épuise pour cette raison pas le montant des indemnités qui leur sont dues et la juridiction répressive est donc fondée à condamner l’édile à des indemnisations plus importantes sur ses deniers propres.

Pour mémoire, ce cas de cumul de responsabilité trouve son fondement dans une affaire de 1949 (CE, 18 nov. 1949, Melle Mimeur). Son intérêt est de faciliter l’indemnisation de la victime, non de la limiter, l’administration ayant par la suite une action récursoire contre l’auteur du dommage pour récupérer les sommes qu’elle a avancées pour son compte. De sorte que le dénouement contentieux de cette affaire ne s’arrête probablement pas à cet arrêt.