Le second tour des élections municipales officiellement reporté : décryptage juridique

Par Romain Rambaud

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Conformément aux annonces du président de la République et du ministère de l’Intérieur du 16 mars 2020 invoquant des « circonstances sanitaires exceptionnelles » et mettant en place des mesures de confirment, le second tour des élections municipales est reporté dans les communes où les élections n’ont pas été acquises au premier tour (4 922 communes).

Un décret no 2020-267 du 17 mars 2020 portant report du second tour du renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, initialement fixé au 22 mars 2020 par le décret no 2019-928 du 4 septembre 2019, a été publié et se contente d’abroger l’article 6 du décret de convocation des électeurs qui prévoyait la date du second tour. Ce décret, sans doute, se trouve en marge de la légalité. D’une part, parce que l’article L. 227 du Code électoral prévoit que « les conseillers municipaux sont élus pour six ans » et « ils sont renouvelés intégralement au mois de mars à une date fixée au moins trois mois auparavant par décret pris en Conseil des ministres ». D’autre part, et on peut au passage noter qu’opportunément cet article n’est pas visé par le décret, parce que l’article L. 56 prévoit qu’« en cas de deuxième tour de scrutin, il y est procédé le dimanche suivant le premier tour ». La question se pose de savoir ce qu’il adviendrait si quelqu’un attaquait ce décret par un référé-liberté avant que la nouvelle loi ne soit adoptée (voir pour un recours contre un refus de convoquer les électeurs : CE, 9 oct. 2002, no 235856, Meyet). Le Conseil d’État pourrait soit volontairement retarder son intervention pour ne statuer qu’après l’adoption de la nouvelle loi, qui pourrait être promulguée samedi, soit retenir les circonstances exceptionnelles, dont il a déjà reconnu l’applicabilité aux problématiques électorales (CE, 18 juin 1971, no 82567) et aux questions sanitaires (CE, Sect., 20 mai 1955, no 2399, Société Lucien, Joseph et compagnie).

Quant au projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, son Titre 1er concerne les dispositions électorales. S’il prend soin de préciser, sauf dans les communes de moins de 1 000 habitants où le nombre de conseillers municipaux élus au premier tour est inférieur à la moitié du nombre de sièges à pourvoir, que « Les conseillers municipaux et communautaires, les conseillers d’arrondissement et les conseillers de Paris élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction immédiatement », ce qui signifie que les élections acquises au 1er tour le restent, il reporte le second tour dans les autres communes « au plus tard au mois de juin 2020 ». La date exacte sera « fixée par décret en conseil des ministres ». Il prévoit cependant que « au plus tard le 10 mai 2020, est remis au Parlement un rapport du Gouvernement fondé sur une analyse du comité scientifique placé auprès de lui se prononçant sur l’état de l’épidémie de Covid-19 et sur les risques sanitaires attachés, avant l’échéance fixée au premier alinéa, à la tenue du second tour et à la campagne le précédant », sans déterminer hélas ce qu’il faudrait faire si les élections ne peuvent pas se tenir, renvoyant alors à une autre loi les choix à effectuer : il faudra espérer dans cette hypothèse que les erreurs du mois de mars ne se répèteront pas en juin. Il comporte des dispositions sur les élections à venir au sein des conseils communautaires, qui organisent l’élection de présidents et vice-président temporaires, en fonction jusqu’au prochain tour.

D’autres dispositions du projet de loi sont plus inattendues et feront peut-être l’objet d’adaptations dans le cadre du débat parlementaire. Ainsi, en l’état, il ne semble pas qu’il soit prévu de dépôt et de clôture de tous les comptes de campagne pour le premier tour, mais au contraire les comptes de campagne vont être conservés et allongés de trois mois, ce qui pourrait poser des problèmes de sincérité des comptes et de non-remboursement des dépenses électorales pendant une période plus longue de plusieurs mois (en revanche, le remboursement de la propagande officielle est prévu). Par ailleurs, le texte renvoie à des ordonnances pour fixer « les règles de dépôt des déclarations de candidature et l’organisation du second tour », ce qui ne manquera pas de donner lieu à des discussions assez vives, certains parlementaires y voyant des risques d’altération de la sincérité du scrutin. Enfin, il faut noter que pour l’instant le projet de loi ne prévoit pas d’aménagement pour l’installation des conseils municipaux ce week-end, ce qui fait l’objet de nombreuses critiques. Il y a donc encore de place pour quelques aménagements…